Le calame des lutins, des elfes et des fées

Le calame des lutins, des elfes et des fées

Et après ?

Avant… pendant...après…





En guise d’introduction :

 

Le destin



La vie est restée longtemps, longtemps

à la porte



Elle a frappé doucement

si doucement

sans écho

sans réponse

vainement



Elle a fait chanter délicatement

le carillon des rêves adolescents

vibrer sourdement

l'horizon esquissé du destin



sans écho

sans réponse

vainement





Avant, c’était il y a longtemps, très longtemps, avant février 2020, le Désir enflammait la vie, le Désir emportait tout, le Désir brûlait tout et la vie fondait sous l’ardeur du Désir ; la banquise et l’Australie, la forêt amazonienne et la côte ouest des États-Unis d’Amérique. Avant, le sir rougeoyait à l’ombre des bottes de foin, dans le pré asséché du Progrès. Avant, le Désir illuminait, éclat d’or, la face terreuse de l’humanité — l’Homme, Maître de l’univers.



Et, pendant l’explosion planétaire du Coït-Originel-Viral-Infinitésimal-Dévastateur, dans le silence retrouvé des dix-neuf mégalopoles, dans la nature ressuscitée à l’assaut des jardins bien astiqués, des villes bien bétonnées, le peuple du monde a commencé à percevoir la face cachée du Désir d’avant, une soudaine évanescence pendant le grand coït et, sitôt après, l’ombre inquiétante du Devenir : « Avant, c’était avant », clamèrent les contempteurs bien pensants étonnamment sortis de leurs rêves par la peur de la Grande Faucheuse. Le coït, c’est pendant et c’est la mort annoncée. Après, c’est l’après à imaginer, à construire.



Après, mais quel après ?



Çà et là, des fumerolles tamisent les guenilles encore rouges de la Camarde, mal étouffées par la fonte des glaciers, de la banquise, par la montée inexorable des flots océaniques.



« Profitons de cette pandémie pour revoir le système, pour créer un nouvel environnement respectueux de la Nature. Redonnons sa vraie place à l’homme : un être parmi les autres êtres, les êtres minéraux, les êtres végétaux, les êtres animaux ; surtout pas un maître, mais un être parmi les autres êtres, avec les autres êtres. Et, pour ce faire, il nous faut corriger le système économique et social de l’humanité. Yes we can ! »

L’exécution du chœur était parfaite, les attaques franches et bien synchronisées. Au détour de quelques arias, le Compositeur avait glissé des altérations, dissonances rapidement résolues dans l’apothéose d’un hymne à la Joie enfin retrouvée.



« Ah non ! Rien ne changera ! » entonna le deuxième chœur dans un fracas de cuivres, de roulements de timbales, de percussion de cymbales. « La vie recommencera comme autrefois, l’homme restera l’homme, à jamais ! Il est le maître de l’univers, il lui faut se nourrir, il lui faut suivre la marche incessante vers toujours plus de progrès, seul horizon sensé ! », tandis que certains s'égosillaient à tue-tête : « l'homme ne peut changer, il sera toujours violent, pervers, possessif, autoritaire, égoïste. »

L’énergie de ce chœur vastait tout sur son passage. Les dissonances étaient fréquentes, mais toujours canalisées par la baguette inflexible, impénétrable, du Chef.



Une oreille attentive aurait pu percevoir le murmure confus et sourd d’un troisième chœur — aurait pu !

La quête, muette et obsessionnelle, de l’amour. Le cri silencieux de l’amour avant la mort, la coupe d’or du roi de Thulé engloutie par la violence d’un chefaillon écrasant de son genou la gorge gracile de ce chœur d’esclaves.



Alors, et après ?



L’amour s’en est allée ...



L’amour s’en est allée

à petits pas

L’amour est morte

à petites doses



la vie bruisse de rumeurs assassines

dans les blés couchés

par la chaleur jaune et sèche

l’eau est sèche

l’autan a séché l’amour

une bière

l’amour

une poignée de terre

sèche



la lumière blanchit

et les traits se tirent

la jeunesse meurt

dans les blés couchés

par la chaleur jaune et sèche

une source

la fraîcheur

une poignée de regards



c’est l’eau qui ruisselle sur le corps

c’est le corps qui explose

qui brûle au passage de l’eau de vie

c’est la jeunesse qui éclate

gourmande et généreuse

tendre et impérieuse

inconsciente et vaniteuse

 

un orage

qui balbutie

qui bougonne

qui gronde

qui s’abat

qui détruit tout

Il fait froid

Les notes du piano

une à une

tombentsur le sol métallique



Le concert est terminé



On replie les partitions

sous les applaudissements

de la foule indifférente



Le rêve s’évade

vers la chaleur jaune et sèche

des blés couchés



La moisson est depuis longtemps finie



Il ne reste plus qu’à glaner

il est tard

adieu…



 



Et alors ?







Un murmure de cendres





Un goût de cendres flotte sur l’azur infini

d’une mer immobile



Étrange tristesse, profonde et grave,

bourdon teintant de sa couleur fondamentale

une vie baroque

les mille couleurs d’un milieu d’automne



Tristesse profonde et grave qui sourd du plus profond

de l’être

irradiant une paix extatique



Paix extatique immergeant le cœur d’une jouissance

éthérée

murmure lent et douloureux du dernier silence



 

 

Ou alors ?



 

Renaître





Le soleil éclate

d’un long rire

joyeux, lumineux

éternel



Le paysage chante

une chatoyante symphonie

de couleurs

tendres et passionnées



Et l’homme

riche, heureux,

oublie ...



La lune murmure

son triste sourire

pâle, craintif,

figé



La nature pleure

un terne paysage

sans relief

sans vie



Et l’homme

pauvre, abattu,

se souvient ...



Timide

il aperçoit alors

le scintillant reflet

d’une mystérieuse espérance

étoile polaire



Apaisé

il écoute alors

la douce mélodie

d’un mystérieux amour

astre solaire



Craintif

il respire alors

le parfum pénétrant

d’une mystérieuse foi

source claire







Avons-nous le choix ?

Je pense que oui, au moins par amour des générations à venir !

L'espoir demeure grâce à Rosa Parks et Martin Luther King, Gandhi et Mère Thérésa, Soeur Emmanuelle et l'Abbé Pierre, Nelson Mandela et Albert Schweitzer...

L'espoir demeure après l'inculpation pour meurtre des tortionnaires Dereck Chauvin et ses trois acolytes, grâce aux manifestations du peuple américain et du peuple du monde.

La haine et l'exclusion seront toujours au rendez-vous, il appartient à chacun d'édifier sa propre résistance et de participer à la construction d'une résistance collective.





Michel de la Tharonne

8 juin 2020



Les poèmes cités sont de l’auteur : « le Destin » d’avril 1975, « L’amour s’en est allée » de juillet 1986, « Un murmure de cendres » de décembre 1975 et « Renaître » d’octobre 1974



08/06/2020
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